En ce 2 octobre 2024, la Guinée célèbre son 66e anniversaire d'indépendance. Une occasion de commémoration certes, mais qui s'est vite transformée en tribune politique sous l'impulsion de l’ancien président Alpha Condé. Dans un message incisif diffusé sur les réseaux sociaux, l'ex-chef d'État a saisi l'opportunité pour à la fois rendre hommage aux pères fondateurs et critiquer sévèrement la gestion actuelle du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), au pouvoir depuis le coup d'État du 5 septembre 2021.
« Mes chers compatriotes, aujourd'hui, alors que nous célébrons le 66e anniversaire de notre indépendance, je veux d'abord rendre hommage à nos héros nationaux », commence-t-il, non sans rappeler la lutte qui a conduit à la souveraineté de 1958. Cependant, ce ton patriotique laisse rapidement place à une critique acerbe de la situation actuelle. « Que reste-t-il de notre souveraineté, de notre liberté, depuis cet ignoble coup de force du 5 septembre 2021 ? » interroge-t-il, dans un geste qui reflète toute son amertume.
Pour Alpha Condé, le bilan est clair : la Guinée traverse une période sombre. Il accuse le CNRD d’avoir muselé la population, confisqué les libertés publiques et piétiné les droits fondamentaux. Dans une Guinée où personne, selon lui, ne peut s’exprimer librement – ni les acteurs politiques, ni les médias, ni la société civile – il dénonce une justice devenue simple « bras armé » du pouvoir militaire. Et pour couronner le tout, l'ancien président qualifie ce régime d'« illégitime ».
Les accusations sont lourdes, les mots choisis percutants. Alpha Condé ne se contente pas de critiquer la gestion politique du CNRD, il évoque aussi les dérives économiques. À ses yeux, le pays est rongé par une corruption galopante, et les dirigeants actuels, loin de combattre ce fléau, en sont les principaux bénéficiaires. La Guinée, déplore-t-il, voit ses ressources bradées, tandis qu’une minorité prospère sans vergogne. Les scènes d'opulence dans les rues de Conakry ne seraient que la partie visible de cet iceberg de détournements.
Malgré ce tableau alarmant, l’ancien président ne cède pas au désespoir. Son message se veut également porteur d’espoir. « L’heure est grave, mais je vous exhorte à garder l’espoir et à rester mobilisés », lance-t-il à ses concitoyens. Alpha Condé appelle à l’unité nationale, jugeant impératif que les Guinéens ne se laissent pas diviser, et surtout, qu’ils ne permettent pas que le pays soit accaparé par ceux qui ne servent que leurs propres intérêts.
Le rappel à l’unité et à la mobilisation n’est pas anodin. Condé se considère toujours comme le président légitimement élu de la Guinée, et il est évident que son discours vise à galvaniser les énergies face à une junte qu’il accuse de fracturer l’armée et de redistribuer les ressources nationales de manière inégale. Dans ce contexte, le 2 octobre prend une nouvelle dimension : plus qu’une date historique, elle devient un symbole de résistance face à toute forme de domination, qu’elle soit extérieure ou intérieure.
La conclusion du discours est sans équivoque : Alpha Condé appelle à la restauration d’un pouvoir légitime en Guinée et dénonce la tentative de la junte de transformer les célébrations de l’indépendance en un outil de propagande au service de la candidature de Mamadi Doumbouya, chef de la junte.
À travers ce message, Alpha Condé se pose, une fois de plus, comme un opposant farouche au régime militaire actuel, déterminé à voir la Guinée se libérer de ce qu’il considère comme une nouvelle forme d’oppression. L’ancien président laisse ainsi entrevoir un avenir où la Guinée, unie et déterminée, retrouverait son chemin vers la dignité et la souveraineté véritable.
Un éditorial qui, en somme, reflète une Guinée à la croisée des chemins, entre espoir et incertitude.
Hadiatoulaye Barry pour ramatoulaye.com