La République de Guinée connait une profonde mutation sociétale qui s’observe et se matérialise par le niveau du débat animé à la fois par des professionnels et des amateurs de droit sur la possibilité ou non du Président de la République de changer la constitution du 07 mai 2010.
Cette situation nous amène à nous réjouir du fait que les intellectuels et citoyens lambda s’expriment sur des questions essentielles et substantielles qui concernent la vie de la nation et ressort par ricochet, l’exercice effectif en Guinée de la liberté d’expression et d’opinion.
Mais le débat du fond s’observe ailleurs. Pour l’opposition, il s’agit moins de la question de changement ou de la révision de la constitution de mai 2010 que celle de l’alternance démocratique en Guinée. Si pour les uns, le changement de constitution permet de réadapter celle-ci aux réalités actuelles en vue de moderniser les institutions et réduire le train de vie de l’Etat, pour les autres, il s’agit bien d’offrir une possibilité au président de la République de briguer un autre mandat.
Au regard donc de cette situation, il est impératif d’analyser cette problématique sous un autre angle. Posons-nous la question suivante :
Ø La démocratie signifie-t-elle alternance ?
Pour répondre à cette question, il serait judicieux de revenir d’abord sur les notions de démocratie et d’alternance.
Qu’est-ce que sait que la démocratie ?
Selon le LAROUSSE : « La démocratie est un Système politique, forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple….. Système de rapports établis à l’intérieur d’une institution, d’un groupe, etc., où il est tenu compte, aux divers niveaux hiérarchiques, des avis de ceux qui ont à exécuter les tâches commandées ».
De l’analyse de cette définition, il ressort explicitement que, la notion de démocratie repose essentiellement sur l’implication des citoyens dans la prise de décision. Autrement dit, les questions substantielles de la vie de la nation font objet d’une consultation directe des citoyens (referendum). A ce niveau, on parle de démocratie directe et dans un second temps, les citoyens s’expriment par le biais de leurs représentants élus. Dans ce cas, il s’agit bien entendu de la démocratie représentative (parlement).
De toutes les deux formes, on peut observer que le principe démocratique, mise sur la primauté de la contradiction d’idée et d’expression. Ce qui en résulte de l’expression de la volonté de la majorité qui s’applique à tous. Pour certains analystes, il s’agit là aussi de la dictature de la majorité.
Dans cet imbroglio d’analyse portant sur la légalité ou non du changement de la constitution de 2010, on peut s’apercevoir ici que, le principe démocratique dans sa conception traditionnelle, autorise donc le Président de la république à soumettre au peuple un référendum constitutionnel.
Il est donc opportun en tenant compte du débat actuel et de ce qu’il suscite au sein de l’opinion, que le Président de la République, départage en soumettant à référendum, le projet de nouvelle constitution.
C’est à juste titre que, Gaston Arman de Caillavet (Paris 1869-Essendiéras, Dordogne, 1915)
et Robert Pellevé de La Motte-Ango, marquis de Flers (Pont-l’Évêque 1872-Vittel 1927)
de l’Académie française,1920 disaient : «La Démocratie est le nom que nous donnons au peuple chaque fois que nous avons besoin de lui ».
Revenons donc sur la notion d’alternance politique.
Selon le Larousse, l’alternance politique est la « Succession régulière au pouvoir de partis ou de coalitions de partis, dans le cadre des institutions existantes… par l’emploi d’un mode de scrutin majoritaire ».
Pour certains analystes, le principe de l’alternance politique s’observe majoritairement dans les pays à caractère libéral. Elle contribue à garantir une forme de stabilité politique.
Dans l’histoire des démocraties, l’alternance politique est née suivant des contingences politiques et économiques particulières. C’est le cas des Etats Unis, l’Angleterre et la France par exemple.
D’autres pays réputés être des pays démocratiques, n’ont pas d’exigence de limitation de mandat, c’est le cas de l’Allemagne, de l’Afrique du Sud, du Singapour par exemple. Les pays comme le Japon et la Suède ont connu également de longue période d’élections démocratiques sans une Alternance démocratique.
Si pour certains pays l’alternance a permis d’instaurer une stabilité politique, pour d’autres, elle a favorisé l’inverse. Il s’agit donc d’un processus qui doit prendre en compte les facteurs politiques, sociaux, économiques et culturels.
Cela revient à dire que, l’alternance est un moyen en démocratie et non dans l’absolu une règle. Elle dépend surtout du niveau de compréhension des principes démocratiques par les populations. C’est au fur et à mesure, qu’elle s’impose comme un dogme.
S’agissant spécifiquement de la République de Guinée, nous savons que les partis politiques existants depuis l’indépendance du pays en 1958, n’ont connu aucune alternance politique en leur sein. Il eut a eu une succession non démocratique pour certains partis, même si par ailleurs les leaders ont connu une certaine légitimation. Nous sommes ainsi dans un système ou les partis sont personnifiés à l’image du leader. Le leader souvent principal bailleur, s’impose comme un bon dictateur. C’est pourquoi, souvent le leader meurt avec son parti. La culture de l’alternance en Afrique est donc un processus qui doit impérativement commencer au sein des partis politiques et au niveau des organisations de la société civile.
A la lumière de ce qui précède, nous pouvons comprendre que l’alternance politique est un moyen démocratique, cependant, elle ne définit pas la démocratie.
Commençons par éduquer nos militants et d’appliquer le principe de redevabilité au sein de nos formations politiques. Wassalam !
Alpha Oumar CONDE
Juriste/ Président de la plateforme UNALIG