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Sandro Rosell
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Chers invités, chers amis et chers journalistes, merci d’être venus et d’assister à cette conférence dont le thème est : l’alternance démocratique en 2020, une triple obligation pour le salut national. Nous avons décidé, nous les Patriotes pour l’Alternance  et le Salut, de parler de l’alternance et non d’autres choses. Les raisons sont les suivantes :

premièrement, nous affranchir du débat partisan , deuxièmement, éviter l’aporie à laquelle conduit un tel  débat , troisièmement, éviter de tomber sans le vouloir dans le piège du régime qui a besoin que soit suscité au sein du peuple deux camps (celui du oui , alamanè et du non, amoulanfé) afin de se positionner en arbitre pour légitimer son projet de  référendum, quatrièmement, montrer les limites des mouvements et associations créés ici et là par certains acteurs dont les agissements contentent les intérêts du pouvoir ayant pris un énorme avantage stratégique quant à la question de révision de la constitution et, ouvrir par la même certaines perspectives.

Ainsi, nous parlons de l’alternance. Ce qui est conforme à l’esprit de la constitution de 2010 qui la  consacre. Pour nous, l’alternance est un moyen de la démocratie mais pas sa garantie. Ce moyen, pour conduire à plus  d’avantages que d’inconvénients, a besoin qu’il s’appuie sur l’alternative crédible et sincère. Parler de l’alternance, c’est aussi parler de l’alternative. Cette alternance est une obligation et non une nécessité. Cette obligation est triple, c’est ce que nous  expliquerons de notre exposé.

 

De l’obligation morale

George Washington, fut le  premier président des Etats-Unis d’Amérique, commandeur en chef de l’armée américaine pendant la guerre d’indépendance que les indépendantistes américains ont livrée  aux britanniques. Il lui a été proposé en 1789 de se faire introniser roi après la victoire contre la puissance coloniale, ce qu’il a refusé. Alors qu’il était considéré par les Américains  comme un héros en 1783, à la fin de la guerre d’indépendance, il ne chercha pas à s’emparer du pouvoir .

Lorsque les Etats américains commencèrent, pendant les premières années de l’indépendance, à se quereller sur les questions de frontières, sur celles de l’utilisation des cours d’eau  et sur les problèmes de voisinage, c’est chez lui que se réunirent les facilitateurs et autres médiateurs en 1785 pour la paix. Devant les difficultés et l’importance des problèmes entre les Etats nouvellement  indépendants, une convention se réunit en 1787 à Philadelphie et elle est présidée par Washington, qui donne aux débats l’éclat de son prestige personnel. De cette convention, sort une constitution qui conduit à la première élection qu’il gagne et il commence son premier mandat le 30 avril 1789 qui sera renouvelé en 1792. Contrairement à de nombreux leaders charismatiques des indépendances africaines, il refusera un troisième mandat et respectera scrupuleusement  les termes et les dispositions de la constitution l’ayant conduit au pouvoir. Il passera pacifiquement le pouvoir au deuxième président des USA : John Adams. Il se retire du pouvoir et vit dans sa ferme du Mont Vernon où il meurt en décembre 1799 à l’âge de 67 ans.

Après sa mort,  il est devenu encore plus célèbre et présent dans  le cœur des Américains qui lui vouent un culte particulier issu d’un leadership exceptionnel.  L’encyclopédie universaliste raconte que des universités, des cours d’eau, des montagnes, des comtés, des rues et avenues, des villes (dont la Capitale fédérale) et des villages et même un Etat dans la côte pacifique américaine porte son illustre nom.

Son anniversaire est la seule fête avec celle de l’indépendance que les Etats de l’union célèbrent chaque année (22 février 1732).  Et, il est, par ailleurs, immortalisé sur la monnaie américaine, sur les pièces d’un dollar.

Sur le continent africain, il a existé une autorité morale dont la postérité n’a pas été dédaigneuse. Il a passé 27 ans en prison et aurait, pu après qu’il a eu le pouvoir, l’accaparer et y mourir. Ce qui aurait trahi le sens  de son combat et lui aurait ôté ses éclats. Il avait une vision, et, pour la multiplier, il l’a partagée. La vision se multiplie quand elle est partagée. Cette vision, était celle d’une Afrique du Sud réconciliée, d’une nation arc-en-ciel tolérante, qui pardonne et croit en son avenir.  Il a semé les graines de la stabilité politique ; elles ont germé et ses successeurs en ont profité pour trouver des réponses, selon leurs capacités, à d’autres problèmes, pour répondre à d’autres défis. La vie d’un homme est bornée dans le temps et celle d’un pays va de son indépendance à la fin des temps.  Un seul homme ne peut répondre à tous les défis, mieux vaut responsabiliser d’autres à relever les défis de leurs temps et à s’assumer.

En Guinée, dans notre cas, l’opposant historique, s’est battu  contre toutes les formes de confiscation du pouvoir politique, ayant prêché les vertus de la démocratie dont l’alternance, la tenue des élections régulières et transparentes, la séparation et l’équilibre des pouvoirs, la liberté d’expression . Il est devenu  président pour que l’histoire juge de la sincérité de ses combats. Il avait dénoncé, selon ses propres termes, le goût forcené du pouvoir du dirigeant de la première République et les dérives dictatoriales et sa parodie de référendum pour accaparer le pouvoir du dirigeant de la seconde  République. Il fut élu premier président démocratique après un premier tour qui lui donnait perdant. Au second tour, ayant été constant dans ses pugilats et engagements en faveur de la démocratie, le peuple de Guinée lui investit sa confiance. Il promit de respecter et de faire respecter les  termes et dispositions de la constitution. En 2015, réélut pour la dernière fois, dès le premier tour, il reprit la même promesse de respecter et de faire respecter les termes et dispositions de la même constitution ayant fait de lui le président démocratiquement élu. Légitime dans son pays et en Afrique où il est encore une autorité morale, il est investi président de l’Union Africaine. Une première pour un dirigeant guinéen.

Emprisonné, il devint plus célèbre en prison et le monde entier exigea sa libération, à sa libération les grandes capitales du continent l’acclament. Calomnié, il devient président à un âge tardif. C’est la preuve qu’il est un grand destin.

Peut-on  accepter que celui qui a toutes ses expériences , qui a connu la double condamnation , qui a été combattu à cause de la portée et la noblesse de ses engagements pour son pays et l’Afrique , qui incarne encore une autorité morale en Afrique ( on l’a vu à l’œuvre dans le dénouement des crises potentielles et réelles en Afrique, dans la sous-région) , celui qui a défendu avec dignité et honneur l’Afrique, qui a voulu être Mandela de la Guinée ,  trahisse ses combats ? Qu’il défende pour lui, pour son propre bénéfice, ce qu’il a défendu aux autres ? Qu’il fasse ce qu’il a combattu hier ? Qu’il s’inspire des mauvaises actions posées par certains, dont ses prédécesseurs, pour justifier l’usurpation du pouvoir ? Peut-on accepter qu’il renonce à devenir Mandela, à s’approcher de lui dans sa gloire, pour devenir Sassou , Deby et Biya ?

Mandela, à son arrivée au pouvoir, a publiquement annoncé qu’il fera un seul et unique mandat et qu’il ne se présentera pas à sa réélection. Il aurait pu le faire, mais a voulu s’investir dans une seule grande action : la réconciliation. Il savait qu’il n’était pas un factotum (homme à tout faire), qu’il n’était pas un deus ex-machina (un messie). Il n’a pas réussi que la réconciliation nationale mais aussi l’alternance.  Alpha Condé peut devenir Mandela et il est très proche de cela à condition qu’il accepte l’idée de l’alternance, centrale dans ses combats. Ce qui fera de lui un immortel.

Imaginons Alpha Condé quitter le pouvoir en 2020, de son propre chef, ouvrir notre pays à l’alternance, que se passera-t-il ?

Il se sera réconcilié avec les  valeurs qu’il a défendues pendant plus de 40 ans , il aura montré qu’il est constant et qu’il ne fusionne pas les contraires , qu’il n’existe pas de contrastes entre ses combats et ses actions au pouvoir , qu’il est grand , qu’il ne  peut pas abuser de la confiance du peuple pour lequel il a dit avoir combattu . Il sera sollicité par l’humanité toute entière, il offrira son crédit moral, ses carnets d’adresse, ses expériences diverses aux pays africains, à son pays et  à son successeur, il aura montré aux Guinéens, la voie à suivre, de laquelle nul autre ne devra s’écarter quitte à susciter le mépris et le courroux du peuple. Il se donnera l’opportunité de partager sa vision aux, millions de Guinéens ; dans les écoles, les universités, à  travers les conférences, dans la sous-région, en Afrique et dans le monde. Il sera devenu hyper-président, son nom sera plus évoqué et en bien que celui de son successeur, il deviendra de plus en plus présent dans nos cœurs. Il aura choisi la voie de l’immortalité et de la béatification. Il nous aura garanti la paix et la stabilité politique.  

S’il fait le choix du déshonneur, en reniant ses combats, en se dédisant ; sa postérité sera dédaigneuse et son nom sera un repoussoir, le reste de sa vie vaudra regret, son cœur sera à jamais contrit.

Il a écrit une grande histoire, la sienne,  il ne doit pas se faire aider par les girouettes desquelles l’histoire n’aura  pas retenu grand-chose pour dynamiter, démolir sa gloire et sa grande histoire qui doit en 2020, après qu’il aura quitté le pouvoir pour ouvrir son pays à l’alternance, s’inscrire à la roue de la grande histoire  universelle.

 

De l’obligation politique

Nul ne peut en toute sincérité nier que la gouvernance d’Alpha Condé a engrangé  des acquis. Pour le savoir, il faut partir d’un point de départ, de la situation qui prévalait à son avènement au pouvoir en 2010 et la comparer aussi bien dans le temps que dans l’espace à celle présente.

La Guinée était une risée pour le monde, pour illustration, l’économiste américain  William Easterly dans son livre « Les pauvres sont-ils condamnés à le rester » disait au sujet de notre pays : «  En Guinée, le rythme des coupures d’électricité est quotidien. Les entreprises s’équipent de groupes électrogènes coûteux pour pallier les insuffisances de l’approvisionnement électrique », page 285. Le problème qu’il a décrit n’a pas eu une réponse pérenne mais nul ne peut nier que l’approvisionnement en électricité a connu des améliorations même si dans le pays aucune ville n’a encore de l’électricité avec régularité.

Certaines contrées ont eu des infrastructures et l’état d’autres ont connu des améliorations.  Le budget de l’éducation a augmenté, les salaires aussi. Des centaines de millions ont été investis dans l’agriculture. Le PIB a  augmenté, atteignant le niveau jamais réalisé dans l’histoire de notre pays. Les conditions de vie, n’ont pas pour autant changé.  Le modèle économique est désarticulé et n’a pas permis de juguler la pauvreté qui a augmenté aussi bien en incidence qu’en profondeur et aussi les inégalités qui ont crû .  Le modèle économique n’est pas inclusif, l’économie n’est pas diversifiée, repose sur l’efficacité du secteur minier aux rendements décroissants, aux externalités négatives (cas de Boké)  et faible créateur d’emplois. Le secteur agricole souffre encore des mêmes problèmes qu’hier en dépit qu’il occupe 70 % de la population active : absence de financement , faible accès des paysans au crédit , faible utilisation de la technologue et faible mécanisation , faible dépense de R&D, faible niveau de vulgarisation des recherches agronomiques , absence de réforme agraire , faible niveau de désenclavement des zones de production , faible utilisation de l’irrigation , faible incitation du secteur privé .

Le secteur industriel éclose, créant quelques  emplois, mais les unités industrielles se concentrent dans la Capitale et à sa périphérie créant des clivages entre le centre et les périphéries (pour rependre Samir Amin, paix à son âme).  Il connaît une croissance peu régulée, créant assez d’externalités négatives.

L’école guinéenne se porte  mal. Elle est incapable de stimuler la créativité qu’elle tue en préférant la restitution des connaissances, elle repose sur des filières sans liens véritables avec l’économie,  est confrontée au problème d’infrastructures, à la mauvaise gouvernance, à l’absence d’autonomie dans le tertiaire et aux problèmes de qualification de son corps enseignant et de sous-financement. Elle est incapable de stimuler le génie créateur des Guinéens. L’exécutif se plait bien d’établir le résultat de son diagnostic, mais il ne lui administre aucun remède vrai. Nous dénonçons, il dénonce aussi, alors qu’il est attendu de lui des actions courageuses et des décisions fortes.  

La corruption est de plus en plus grande et est devenue un  sport national. Pourtant , le code minier a été amendé en 2011, le comité d’Audit a été créé à la même année ( le 8 février ) , l’Agence nationale de lutte contre la corruption a été créée en septembre 2012, ,la Direction nationale de la comptabilité matière et matérielle a été instituée , la loi sur l’organisation et le fonctionnement des marchés publics a été promulguée , la cellule nationale de  traitement des informations financières ( CENTIF) a été créée en avril 2015 , elle attend d’être opérationnelle ; la loi portant l’attribution et l’organisation de la Cour des Comptes a été promulguée en 2016 , la dite cour a été installée la même année ; la loi sur la gouvernance des Entreprises Publiques Administratives a été promulguée en 2016, la loi anti-corruption a été adoptée en 2017 . Assez de réformes ! Bravo !  Le résultat, est pourtant ceci : la Guinée est de plus en plus corrompue, fait partie des 20 pays les plus corrompus du monde et ne fait mieux dans la sous-région que l’autre Guinée, Bissau.

On a tout centralisé  et la corruption s’est multipliée.  Au Brésil, il a eu surfacturation dans l’achat de la résidence de l’ambassadeur. Le Président n’a pas pipé mot.   François de Combret , conseiller du Président de la République sur les questions minières , a reçu 10,5 millions de dollars de Rio Tinto comme honoraires pour lui avoir conseillé quant à l’obtention des droits sur Simandou. Combret a utilisé un montage complexe : il a créé sa société-écran dans les îles vierges britanniques (paradis fiscal) et l’a dénommée Sufafos Limited trois mois avant la signature du contrat  et l’a liquidée à travers sa femme, trois mois plus tard après avoir reçu ses honoraires, le 15 janvier 2016. La découverte de cette transaction par les dirigeants de Rio Tinto a valu le licenciement de certains de ses cadres ayant été au courant de l’affaire. On sait que la Sarbane Oxley Act, certaines lois britanniques condamnent les actes de corruption à l’étranger pour les entreprises dont le siège social se trouve sur leurs territoires. Qu’a dit notre Professeur Président, ayant été informé de cette  situation qui trahit le contenu du contrat minier qu’il a pourtant amendé au bénéfice de notre pays en 2011 ?

Des ministres guinéens, non  les moindres, sont condamnés à  l’étranger pour corruption passive. Même si la Guinée n’a pas un casier judiciaire unique, et qu’ils n’existent pas des dispositions textuelles permettant de prendre les condamnations prononcées par un autre Etat, notre Professeur Président n’a rien dit de cela.  Qu’en est-il du leadership éthique ?

Des ministres font de l’usurpation d’identité, ils s’inventent des grades et des titres au mépris de la morale. Il s’en accommode et les encense.

Bolloré  finance la campagne de 2010, le quotidien français Marianne dans son N°1103 du 4 au 10 mai 2010 à la page 10,  le soutient. Dominique Laffont, ancien Directeur général de Bolloré Africa Logistics dans son livre « Vincent tout-puissant » dit qu’ils se comportés à Conakry comme des cowboys.

Les liens incestueux sont créés  chaque jour entre la politique et la gestion des entreprises publiques. Les instances de pilotage de ces entreprises ainsi que leurs conseils d’administration sont de plus en plus politisées. On  y parachute des copains, des copines, des coquins et coquines. Pourtant les affaires et la politique font mauvais ménage.

Le Président s’est plaint de n’avoir pas  hérité d’un Etat, aujourd’hui, il le démantèle davantage.  Pendant son règne, un jour, on dira : il eût été souhaitable qu’il fût un dirigeant et qu’il eût un Etat. L’Etat se meurt et d’apoplexie ; la culture de l’impunité prévaut et perdure, la médiocratie est le mode de gouvernance, la servilité politique est préférée à la compétence et au sens de l’Etat, les valeurs normatives sont déchues, les institutions se multiplient et deviennent de plus en plus discrétionnaires, anachroniques et  politisées.

Le tissu social se déchire, les frustrations grandissent, les exclusions croissent.  Les conclusions de la Commission  Provisoire de Réconciliation (CPRN) n’ont pas été implémentées, la commission définitive atteint encore. Après 60 ans d’indépendance, la Guinée n’a pas encore une politique mémorielle, une histoire consensuelle, les variantes historiques conflictuelles s’opposent . Notre Guinée est plus que jamais menacée de désintégration ; l’intelligence collective s’est  abaissée pour servir la haine et l’oppression, chacun se nie pour prouver sa ressemblance à l’autre, le peuple vit dans le désœuvrement et les Guinéens, jeunes et adultes, fuient le pays pour chercher désespérément l’espoir ailleurs , pour donner sens à leur mort alors qu’ils n’ont pas pu donner sens à leur vie chez eux.

 

La Guinée a besoin de réconciliation avec son histoire et les Guinéens avec leur Etat , les Guinéens ont besoin de vérités ( personnelle , dialogique , factuelle ) ,de justice de 1958 à nos jours , de réparations et réhabilitations , d’excuses de l’Etat , du pardon et des réformes économiques , sociales et diverses .

Ce n’est pas  la constitution de la  3e  République qui est limitée pour mener à bien ses combats, mais le régime de la 3e République qui n’a pas pu répondre  aux aspirations des Guinéens. D’autres, nouveaux, doivent  mener à bien ces combats. Ce n’est pas une nécessité, mais une obligation politique.  La Guinée en a besoin. La Guinée a besoin d’un espoir et cet espoir c’est l’alternance en 2020.  Elle permettra de corriger les erreurs et manquements susmentionnés. Alpha Condé ne peut pas se prêter à ce travail, et  son entourage désespère à relever ce défi. Ils ont anéanti le travail qui est le pain de chacun, égorgé la liberté et aspirent à assassiner la constitution et son esprit. Pourtant, les Guinéens aspirent à la liberté et une de ses formes est l’alternance.

Ceux  qui disent : qu’il le veule ou non, on l’intéressera, sont des girouettes ; ils font des gambades, arrivent où le soleil luit, profitent de la dépouille de ceux que l’orage a culbutés. Ce sont de véritables caméléons, des serpents qui se tortillent en mille façons, quand ils sont bien, ils désirent  mieux. Ils ne se contentent pas de ce qu’ils ont, ils veulent plus, mieux ce qu’ils n’ont pas et ne sauraient avoir par eux-mêmes  et obtenir dans leurs positions et certitudes. Ils se trouvent des raisons pour soutenir toute cause susceptible de leur procurer de la rente. Ils trouveraient des intérêts à flatter la peste si elle leur procurait des rentes : ce sont des girouettes vénales, dogmatiques, opportunistes. Ce sont elles qui préparent l’étouffement de la République qui doit élever chacun au rang de citoyen en parlant au nom des citoyens avec lesquels ils n’ont pourtant aucun lien.

 

De l’obligation constitutionnelle

La démocratie  est un gouvernement  du peuple (tout entier) et non d’une minorité au détriment de la majorité. Le principe de base de la constitution démocratique est la liberté. Et l’une des formes de la liberté : c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant, disait Aristote. La constitution de 2010,  en tient compte, car tire les leçons de notre histoire et de celles d’autres pays et consacre l’alternance et la séparation des pouvoirs. L’esprit du constituant doit être préservé car repose sur la quête de la paix et la stabilité politique , c’est ce qui l’a amené tout en  permettant l’évolution de la constitution ( qui doit refléter les aspirations du peuple et sa souveraineté exclusive ), à travers l’article 152 , de refuser la révision totale , en inscrivant dans la même constitution ce qu’on appelle les limites déduites, expresses ou les intangibilités , article 154 . Notre constitution se prête à sa propre évolution, c’est indéniable, mais cela ne peut être fait sans tenir compte de son esprit, en se fiant à la forme pour trahir son fond (son essence). Ce n’est  pas qu’une mécanique juridique, elle est construite sur une philosophie politique et repose sur une unité de matière. Substituer tel article par tel autre pour arriver à un résultat qui bouleverse la constitution est une fraude, c’est la fraude au constitutionnalisme. Nous entendons, certains dire : elle n’a pas été adoptée par référendum ce qui la rend illégitime ; on sait que la constitution américaine est l’œuvre d’une simple convention et que même un consensus fort et non mou, abscons et velléitaire suffit pour conférer à la constitution une légitimité. Nous entendons aussi : allons à la 4e République, car la constitution de la 3e République a  montré ses limites. Nous savons que la même constitution incriminée n’a pas été observée et que son esprit a toujours été trahi. La vérité est que c’est la culture constitutionnelle qu’on n’a pas, il ne s’agit pas de changer  un article ou des articles, supprimer des institutions, créer d’autres, couper ici et créer là, pour régler des problèmes. « Une constitution sans culture constitutionnelle est ruine du constitutionnalisme » pour reprendre Jean du Bois de  Gaudusson.

Pourquoi veulent-ils modifier la constitution ?   Je rappelle qu’en droit, il existe deux types de révisions constitutionnelles : partielle et totale. Elle est partielle, quand la révision touche certains articles et que le constituant dérivé ne touche pas à toute la constitution. Quand,  plusieurs révisions partielles, successives, conduisent à tout changer de la constitution ancienne ayant servi de support à la révision, quand la forme de la République est touchée ou quand il est décidé de tout revoir dans la constitution, alors la révision est dite totale ou intégrale.

Parmi les raisons justifiant leur entreprise, figurent celles-ci :

  • Eviter les sanctions, s’autoamnistier (se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites que pourrait engager leur successeur étant donné qu’ils se savent incapables d’accéder au pouvoir à l’issue d’un scrutin dûment constitué).

Les crimes économiques de ce régime sont  grands et pourraient valoir à ses membres des poursuites après qu’ils auront quitté le pouvoir. Ces poursuites peuvent être nationales et des révélations internationales, par des instances étrangères luttant contre les fraudes et évasions fiscales, les blanchissements d’argent.  Leurs crimes humains sont connus et manifestes : 106 morts dans les rangs de l’opposition et dans la seule zone de Conakry et d’autres ailleurs.

C’est ainsi qu’ils trouvent  dans les actes en apparence légaux, le seul moyen d’éviter les sanctions qu’ils auraient encourues au cas où ils quitteraient le pouvoir pour non-respect  des règles et droits humains , malversations financières. C’est ce qui explique le refus à se plier à l’alternance : ne jamais ouvrir la boîte à pandore.   C’est ce qui crée avec d’autres dirigeants logés sous la même enseigne des sympathies et solidarités en faveur de l’impunité.

Les crimes économiques sont imprescriptibles dans l’actuelle constitution, il faudrait ainsi la démolir car contre leurs agissements.

  • Faire de l’Etat un patrimoine personnel.

Ainsi, comme pour perpétuer son règne , il faut des cautions diverses , des valets de toutes sortes ; les courtisans du pouvoir  qui désirent maintenir et perpétuer leurs intérêts hétéroclites ; économiques, politiques , sociaux, et sont obligés de s’investir avec l’assentiment ou non du chef dans l’instrumentalisation de l’opinion  afin de conserver les parcelles du pouvoir qu’ils détiennent et élargir leurs champs de capture et d’accaparement des ressources financières.

Le congrès pour la démocratie et le progrès initié au Burkina Faso pour garantir le pouvoir à vie pour Blaise Compaoré et les actions bassement opportunistes  des collaborateurs de Tanja au Niger , et les agissements de ceux qui évoquent la souveraineté populaire dans notre pays , montrent à suffisance que les appels à réformer les constitutions ne sont que initiés que pour défendre les intérêts d’une minorité , de ceux qui occupent le pouvoir.  La constitution n’est souvent qu’un instrument au service de la classe dirigeante. On l’utilise comme un instrument de domination. C’est ce qui amène le constitutionnaliste français Bernard Lacroix à dire « qu’une constitution n’est en aucun cas le fait de tous, mais toujours le fait de groupes isolables qui trouvent l’instrument de réalisation de leurs desseins dans le travail spécifique des légistes. »

Dans notre cas, certaines pontes ont des dizaines de bennes à Boké, détournent impunement de l’argent, accordent des avantages à leurs collatéraux, comment peuvent-elles  entrevoir la fin bien que légale du mandat du dirigeant qui leur a permis de devenir des milliardaires en si peu de temps ?

Ce sont elles qui veulent de la révision constitutionnelle, qui veulent imputer un propos au peuple, qui manipulent le peuple qu’ils  ont tenu par le ventre. Le peuple est abusé, on l’abreuve de fausses informations savamment produites à des fins de manipulation. Comment peut-il décider quand il est abusé ?  Comment peut-on lui demander de faire un choix alors qu’il ne se sent pas intéressé ? Il est mis à contribution pour légitimer ou certifier leurs forfaitures.

A mesure qu’Alpha Condé continuera, son âge avancera, la fatigue grandira et la lassitude mentale aussi ; sa vigilance baissera et le  pays leur reviendra et tombera dans leurs rets ; voilà leurs desseins. Alors, ils pilleront, sans souci. Ils excluront sans s’inquiéter et arrogamment, ils commanderont. Qu’adviendra ?  L’accroissement des frustrations, l’accentuation des exclusions, et pis les violences diverses et l’instabilité. La paix sera assassinée, l’Etat de droit enterré, le pouvoir confisqué et la dictature à base professionnelle sera installée.

Tenez-vous bien, c’est de la confiscation du pouvoir que préparent les resquilleurs !

  • Avouer leur échec « sophisme de l’amortissement ».

Comme un joueur de loto qui perd ses premières mises, il nourrit l’espoir de les reprendre après quelques parties. Ainsi, il continuera à jouer, quand il lui sera dit de se retirer.  De mises en mises, il perd et fini ruiné. Le dirigeant qui échoue, qui a fait porter à ses opposants et aussi à Ebola, la responsabilité de ses piètres résultats, comme un joueur de GuineeGames appelle à une autre chance, une autre pour tenir ses promesses et être à la hauteur  de ses combats historiques. Dans cette quête de dignité, cette ambition de réaliser les promesses manquées, il se découvre une boulimie pour le pouvoir ; ainsi il tient d’autres promesses et pourrait faire face à d’autres obstacles insoupçonnés. Car, ne pas passer le témoin aux autres, c’est les avoir contre soi et à tout prix, c’est préférer l’incertitude et l’instabilité à la promesse d’un lendemain meilleur.

C’est  un aveu d’échec que de refuser l’alternance. Quand on a réalisé ce qu’on s’est promis de faire ;  on laisse le temps aux autres d’être éprouvés par le pouvoir. Quand on fait en cinq ans de gouvernance plus que cinq  décennies de gouvernances passées, on laisse les autres qualifiés d’inaptes à se révéler à l’épreuve du pouvoir. Leur en empêcher de s’y éprouver et déclarer leurs incapacités à la place du peuple, c’est reconnaître les insuffisances de sa propre gouvernance pour éviter que ce soit étaler sa platitude, c’est aussi prendre le peuple pour un gros enfant qui ne sait pas décider. C’est cela l’irrespect.

 

L’alternance est donc une triple obligation. Mais comment peut-on la réussir ?

Je n’ai pas de réponses toutes faites à cette question , seulement qu’il me soit permis de dire ce  que je crois être vrai et avec autant d’honnêteté que je le puis . La question de l’alternance ne réussira que quand elle sera populaire et citoyenne et non le pugilat d’une certaine société civile se croyant plus digne que les autres. De la politisation de la question et de son ethnicisation viendra l’échec de sa réalisation. Nulle entité n’est suffisamment grande pour réussir seule pareille vocation.   Les bravades ne seront pour rien sans la stratégie, sinon nous serons des survivants tactiques. Ne mettons pas tous les œufs dans le même panier ; de l’assurance des uns viendra la défaite nationale. On pourrait attendre le pouvoir du mauvais tournant, car pour réussir leur projet de révision, ils disposent de deux moyens : le référendum et le vote à l’Assemblée, il leur suffira d’avoir les deux tiers des membres de l’Assemblée nationale. Peuvent-ils réussir leur trahison sans les législatives ? Bien sûr que non, mais ils semblent avoir pris de l’avantage stratégique pour s’offrir le quorum nécessaire à une telle entreprise.  Ils utilisent le pluralisme politique à leurs fins, ils débauchent les politiques et manipulent le peuple. Cette pluralité n’est qu’une fonction de légitimation des manœuvres frauduleuses du pouvoir et une vertu décorative de la démocratie. La mouvance est une large coalition des courtisans.

C’est le peuple qui doit se mettre en avant, c’est lui qui doit rejeter les différences sociales, les idéologies politiques qui divisent, c’est lui qui doit s’unir contre un mal commun : un régime indécent et son entreprise de fraude à la constitution.  C’est lui qui doit gommer les antagonismes, les divisions érigées par la main accaparante qui dirige ce pays.

Revenons au rassemblement authentique, populaire. Authentique, parce qu’il est vrai, repose sur des indignations justifiées parce qu’il vient des laissés- pour – compte, non de ceux qui se croient légitimes pour  parler au nom du peuple, de ceux qui ne connaissent ni faim, ni soif, ni le souci de la maladie, ni la crainte du lendemain. Ce n’est pas une partie, mais le peuple de Guinée qui a besoin de l’alternance, ceux qui tombent des bravades servent de cautions au régime qui a besoin de la violence. Ces cautions exclues tous ceux qui ne pensent pas comme elles, elles divisent et comment peut-on réussir l’alternance quand on exclut et divise, quand on rêve  d’apparaître à la lumière crue ?

 

Communication prononcée par Ibrahima SANOH,

Président du Mouvement Patriotes pour l’Alternance et le Salut,

Conakry, 29 avril 2019.