En créant sa propre marque, Mamadou Dian Diallo, Guinéen installé dans l’Hexagone, se lance à la conquête du continent avec un produit phare du savoir-faire français.
Et si ces fêtes de fin d’année étaient marquées par un champagne au nom… africain ? C’est le pari de Mamadou Dian Diallo, un Guinéen installé en Champagne. A 40 ans, cet ancien représentant de la société Moët Hennessy a lancé sa propre gamme. Son atout : la dizaine d’années qu’il a passée au sein de grandes marques de champagne lui a permis de comprendre ce que la clientèle africaine appréciait dans ce vin pétillant.
« Je me suis aperçu que les Africains consommaient beaucoup plus de champagne doux et fruité […], beaucoup plus de sec ou de demi-sec [que de brut]. C’est parce que [ce dernier] a un côté acidulé qu’ils n’apprécient pas », explique-t-il, interrogé par l’AFP. Pour plaire à ces consommateurs, l’homme a une solution, classique dans la région : le sucre de canne, qui permet « d’adoucir un peu le champagne afin que ça soit délicieux ». Attention toutefois, Dian Diallo est pointilleux quant à l’appellation de son produit : « Ce n’est en aucun cas un “champagne africain”, parce que ça n’existe pas, un champagne africain ! »
Et pour cause : pour porter l’appellation d’origine contrôlée (AOC) champagne, la boisson doit – entre autres critères – provenir d’une zone strictement délimitée. C’est dans cette région que le natif de Labé (nord de la Guinée), arrivé en France à 19 ans, a décidé de s’implanter en 2017 pour lancer sa marque. « J’ai eu un très bel accueil et je me suis associé avec un vigneron, Rémi Jacques, à Baye », dont la famille travaille dans cette branche depuis 1932.
« Engouement très fort »
C’est toutefois vers une autre terre que Dian Diallo se tourne désormais : le chef d’entreprise regarde au-delà de la Méditerranée pour développer son activité. Après moins de deux ans d’existence, il exporte déjà 10 000 bouteilles par an vers sept pays d’Afrique : sa Guinée natale, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Gabon, le Burkina Faso, mais aussi le Nigeria et le Liberia. Un succès qu’il doit à un « engouement très fort pour le champagne et pour les produits de luxe » sur le continent.
Depuis plusieurs années, les habitudes de consommation dans les grandes villes comme Abidjan, Accra ou Lagos ont radicalement changé : des mets et boissons de choix, autrefois réservés à quelques rares familles très privilégiées, sont davantage présents dans les fêtes et cérémonies. De nouvelles habitudes portées par le développement de classes plus aisées et qui en amènent d’autres : le dessert, élément peu présent dans la gastronomie africaine, est désormais plus consommé, et avec lui le vin pétillant rosé.
Le champagne se vend bien en Afrique : le continent a importé plus de 4,9 millions de bouteilles en 2017. Ce produit phare du savoir-faire français y a connu une progression de 7 % de ses ventes au cours des dix dernières années, selon le Comité Champagne, organe institutionnel de l’appellation. Bien que deux marchés seulement, le Nigeria et l’Afrique du Sud, dépassent le cap des 500 000 bouteilles par an, l’apparition d’une demande croissante au Cameroun, au Gabon et au Sénégal encourage les investisseurs.
Certes, le marché africain du champagne ne pèse pas lourd au niveau mondial : le continent représente 3,25 % des exportations totales, loin derrière le Royaume-Uni (28 %), les Etats-Unis (23 %) ou le Japon (13 %). Mais Dian Diallo compte sur son nom et son origine pour s’y imposer : « Il y a une vraie fierté des Africains de voir un Africain évoluer dans ce milieu fermé », assure le Guinéen.
Lemonde, avec AFP