En République démocratique du Congo, au Nord-Kivu, la population continue de fuir la zone périphérique de Beni. Dans la nuit de samedi 13 à dimanche 14 août, selon la société civile, 51 personnes ont été massacrées, la plupart à l’arme blanche. Une tuerie attribuée aux rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF). Après le numéro deux de la Monusco ce lundi 15 août, une délégation gouvernementale est arrivée ce mardi matin à Beni. Elle s'est rendue à Rwangoma, en brousse, où s'est déroulé une partie du massacre.
Il y avait le Premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo, le vice-Premier ministre en charge de l'Intérieur et de la sécurité, Evariste Boshab. C'est tout le Conseil de défense qui a visité les différents lieux du massacre du week-end. Une visite en voiture, mais aussi à pied en brousse à Rwangoma, à Mbelu aussi qui est un peu le cœur de la zone de massacre, à travers des pistes. La délégation était entourée d'un important dispositif sécuritaire et guidée par le maire de Beni.
Sur place, le conseil de sécurité et de défense a pu découvrir le problème d'accessibilité : véhicules bloqués, pistes envahies par la brousse... Le maire de la ville expliquait qu’ici cinq personnes ont été tuées, elles avaient été ligotées, là une maison a été brûlée, les habitants sont morts ou sont rescapés. La délégation a eu un aperçu de ce qui s'est passé, et c’était bien là l’objectif de cette visite envoyée par le président de la République, c’est ce qu’a dit le Premier ministre Augustin Matata Ponyo. Une visite pour faire une évaluation de la situation et essayer de comprendre ce qui est arrivé dans la périphérie de Beni.
Des mesures exceptionnelles promises
Il y a eu beaucoup de discussions d’ailleurs pour savoir s’il y a eu des complicités. Beaucoup de réponses aussi ont été apportées par le maire de la ville : « non c’était une route empruntée régulièrement par les ADF-Nalu entre leur base de Mwalika et le 'triangle de la mort' ». Une visite complète de ces lieux de massacre du week-end dernier.
Le message du Premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo ce mardi matin à Beni était d’abord de parler d’une action terroriste et de bien insister là-dessus. Que c’était une guerre asymétrique, que lui-même se rendait compte en se rendant sur les lieux que ce processus de sécurisation était difficile, tout simplement parce qu’il s’agit de maisons isolées, au milieu de palmeraies de la brousse, avec des pistes, et que la tâche allait donc être ardue pour les forces de sécurité.
« Nous sommes ici dans une situation où la sécurité ne peut pas être tenue au millimètre près », a déclaré à RFI Augustin Matata Ponyo. Pour lui, « même avec la police la plus performante », il est très compliqué de gérer ce genre de situation quand, par exemple, « quelqu'un se réveille, se met sur un sentier dans la forêt, trouve deux ou trois personnes, leur coupe la tête, les brûle et part ».
Le Premier ministre a également rappelé que « l'armée et la police » sont mobilisées à Beni, ce qui montre selon lui que « le chef de l'Etat prend cette question à coeur et à bras le corps ». Pour autant, « ceci ne veut pas dire que nous allons arrêter brutalement le terrorisme », a-t-il prévenu, insistant sur le fait qu’il était bien envoyé, lui et le Conseil de défense, par le président de la République qui n’avait pas pu se rendre à Beni, mais qu’ils allaient – et c’était aussi le but de ce déplacement –, essayer d’étudier toutes les possibilités pour faire face à cette situation exceptionnelle avec des mesures exceptionnelles qui seraient prises très prochainement une fois cette évaluation ramenée au chef de l’Etat.
Critiques
Lors de cette visite au pas de course, les principaux protagonistes se sont ensuite réunis à la mairie de la ville pour faire le point et écouter d'autres récits de familles de victimes, pendant qu'une foule commençait à s'amasser devant l'hôtel de ville. Avant de partir, le Premier ministre a décidé de s'adresser en swahili à la population pour présenter ses condoléances au nom du chef de l'Etat.
Mais avant qu'il puisse terminer son discours, les habitants se sont mis à le huer. « On n'a rien à faire de leur compassion, on nous tue tous les jours ! » s'est emporté l'un d'eux. « Corrompus ! » scandait la foule, ou encore « Mahmadou ! » du nom d'un commandant de l'armée congolaise tué à Beni et adulé par la population du Nord-Kivu. Avant de prendre son vol retour pour Goma, le chef du gouvernement a dit comprendre cette réaction d'émotion, mais estime que ce n'est en rien une remise en cause de l'action du gouvernement.