Passé l'effet de sidération provoqué par les déclarations du président américain, Donald Trump, mardi soir lors de sa conférence de presse avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyhu qu'il recevait à la Maison Blanche, les déclarations pleuvent et elles vont de l'indignation à l'approbation.
Déjà mardi, lors de la conférence de presse, les propos de Donald Trump ont sidéré l'assistance, à commencer par le premier intéressé, le Premier ministre israélien, rapportent tant nos correspondants aux États-Unis qu'à Jérusalem.
«Une nuit blanche» titre un quotidien israélien
En une des journaux en Israël, des photos du Premier ministre Benyamin Netanyahu qui semble dépassé par les événements, rapporte Michel Paul à Jérusalem… Et des citations : le Hamas n’aura plus de pouvoir politique, et surtout: les Palestiniens n’ont pas le choix, ils vont devoir quitter la Bande de Gaza... Des citations aussi sur l’autre dossier chaud : l'Iran n’aura pas la bombe atomique. Pour les commentateurs ce matin, Benyamin Netanyahu salue le plan de Trump. C’est une « idée différente », ajoute-t-il avec ce qui semble être une dose de réserve. Mais la presse le souligne : un transfert des Gazaouis, ce n’est pas nouveau. C’est exactement ce que les suprémacistes Ben Gvir et Smotrich proposent depuis des mois. Pour Michael Oren, ancien ambassadeur israélien aux États-Unis, cette rencontre a prouvé une chose aux yeux du monde : Israël n’est pas seul. Pour le quotidien d’opposition Haaretz, le Premier ministre israélien est pris entre les pressions américaines et celles de son extrême-droite. Et ce qu’il tente de faire maintenant, c’est tout simplement gagner du temps !
Ferme rejet côté Autorité palestinienne
Le président palestinien Mahmoud Abbas a immédiatement rejeté « fermement » le projet d'occupation de la bande de Gaza par les États-Unis ainsi que les appels répétés de Donald Trump à un transfert forcé des Palestiniens. Un communiqué officiel a précisé, « Le président Mahmoud Abbas et la direction palestinienne rejettent fermement les appels à s'emparer de la bande de Gaza et à déplacer les Palestiniens hors de leur patrie ». Le communiqué ajoute : « En réponse aux appels américains au déplacement des Palestiniens de Gaza, nous ne permettrons pas que soient bafoués les droits de notre peuple. »
Pour Mahmoud Abbas, ces propositions constituent « une violation grave du droit international ». Il souligne également que « la paix et la stabilité ne seront pas réalisées dans la région sans la création d’un État palestinien (…) sur la base de la solution à deux États ». Selon lui, « la bande de Gaza fait partie intégrante de la terre de l'État de Palestine, aux côtés de la Cisjordanie et Jérusalem-Est ».
Le Hamas accuse les États-Unis de «jeter de l'huile sur le feu»
De son côté, le Hamas a vivement réagi en accusant Donald Trump de « jeter de l'huile sur le feu » avec son idée d'occupation militaire de Gaza par les États-Unis et de transfert forcé des Palestiniens vivant sur le territoire. « Nous (...) condamnons dans les termes les plus forts les déclarations (Donald) Trump en vue d'une occupation américaine de la bande de Gaza et du déplacement de notre peuple », indique un communiqué du mouvement islamiste palestinien. Le Hamas souligne que ces déclarations « violentes » ne « contribueront pas à la stabilité de la région mais ne font que jeter de l'huile sur le feu ».
Sami Abu Zuhri, un autre dirigeant du Hamas, a également dénoncé les déclarations de Trump concernant le déplacement des Palestiniens, les qualifiant de « recette pour créer le chaos » au Proche-Orient. De son côté, l'ambassadeur palestinien à l'ONU, Riyad Mansour, a appelé les dirigeants mondiaux à « respecter les souhaits du peuple palestinien » et son droit de vivre à Gaza. Enfin, l'OLP a fermement rejeté « tous les plans visant à déplacer les Palestiniens hors de leur patrie ».
Plus tôt, Abdel Latif al-Qanou, porte-parole du Hamas, avait qualifié les propos de M. Trump de « position raciste » alignée « avec celle de l'extrême droite israélienne ».
Le pas de côté du Caire
Donald Trump souhaite que l'Égypte et la Jordanie accueillent les Palestiniens de Gaza. « J’ai le sentiment que le roi de Jordanie et le général d’Égypte vont ouvrir leur cœur et nous donnerons la terre dont nous avons besoin pour faire ça pour que les gens vivent en paix », a déclaré le président américain mardi soir.
Cependant, au Caire, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a insisté sur l'importance de renforcer politiquement et économiquement l'Autorité palestinienne à Gaza. Lors d’une réunion avec le Premier ministre palestinien, Mohammed Mustafa, il a précisé que l'Égypte était impatiente de voir l'Autorité palestinienne « assumer ses responsabilités dans la bande de Gaza en tant que partie des territoires palestiniens occupés ».
La position de la France, du Royaume-Uni et du Brésil
Paris a rapidement réagi aux propositions de Donald Trump. Le ministère français des Affaires étrangères a précisé que « l'avenir de Gaza doit s'inscrire non dans la perspective d'un contrôle par un État tiers, mais dans le cadre d'un futur État palestinien, sous l'égide de l'Autorité palestinienne ». Le Quai d'Orsay a également réaffirmé l'opposition de la France à « tout déplacement forcé de la population palestinienne de Gaza ». Lors du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a insisté : « La France rejette fermement le déplacement forcé des populations. Nous nous en tenons à notre position constante : il ne doit y avoir aucun déplacement, mais une recherche d'un cessez-le-feu temporaire en vue d’un processus de paix, et une solution à deux États, israélien et palestinien. »
De son côté, le chef de la diplomatie britannique a souligné que les Palestiniens doivent pouvoir « vivre et prospérer » à Gaza et en Cisjordanie, une position qui va à l’encontre des propositions américaines.
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a qualifié d' « incompréhensible » la proposition de son homologue américain. « Ceux qui doivent veiller sur Gaza, ce sont les Palestiniens, qui ont besoin d'une réparation pour tout ce qui a été détruit afin qu'ils puissent reconstruire leurs maisons, leurs hôpitaux, leurs écoles et vivre dans la dignité et le respect », a affirmé Lula, lors d'une interview avec une radio brésilienne. La proposition est « quasiment incompréhensible », a-t-il soutenu.
L'Unrwa « surpris », l'ONU rappelle les règles
Le chef de l'agence de l'ONU pour les réfugiés a quant à lui qualifié de « très surprenant » le projet d'occupation de la bande de Gaza et de déplacement de sa population. « C'est très difficile de s'exprimer sur cette question très délicate », a confié Filippo Grandi lors d'une interview avec l'AFP à Bruxelles. C'est quelque chose de très surprenant, mais il faut voir concrètement ce que ça signifie. » De son côté, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a rappelé que « tout transfert forcé ou expulsion de personnes depuis un territoire occupé sont strictement prohibés ». Dans un communiqué, Volker Türk rappelle également que « le droit à l'autodétermination est un principe fondamental du droit international et doit être protégé par tous les États ».
Source : Rfi