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Christiane Taubira a annoncé, mercredi, sa démission du gouvernement après trois années au poste de ministre de la justice. Retour sur une personnalité politique que la gauche adule autant que la droite déteste.

Ses réparties ironiques teintées de poésie ne résonneront plus le mercredi dans l’hémicycle du Palais Bourbon, lors des questions au gouvernement. Christiane Taubira a remis, mercredi 27 janvier, sa démission à François Hollande, quelques heures seulement avant que le Premier ministre ne présente aux députés la dernière mouture du texte sur la déchéance de nationalité, auquel elle est opposée. "Parfois, résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit", a tweeté la garde Sceaux en guise de salut.

Adulée des militants socialistes et respectée des "frondeurs" du PS, cette icône de la gauche a marqué le quinquennat sous la présidence de Hollande par sa verve et son désir profond de liberté et d’indépendance. Celle qui ne s’est jamais vraiment liée à un parti politique "a incarné une dissonance notamment en matière de politique judiciaire", explique Thomas Guénolé sur France 24. "Elle exprimait une ligne qui était plus habituelle à gauche dans les années 1980-1990 mais qui n’était plus la ligne dominante du parti socialiste depuis le tournant Manuel Valls. […] C’était la dernière voix dissonante. Il y avait déjà eu un wagon de départs : Arnaud Montebourg, Aurélie Filipetti, Benoît Hamon. C’est la dernière des mohicans qui s’en va."

Entre soulagement et désespoir

De ces trois années passées au gouvernement, Madani Cheurfa, politologue au Cevipof et enseignant à Sciences-Po, conserve l’image d’une garde des Sceaux "qui a su conjuguer fidélité au gouvernement et esprit d’indépendance". Et d’ajouter : "Elle a su capitaliser une certaine forme de popularité auprès de l’électorat de gauche par ses différences, sur le fait qu’elle soit une femme et de couleur, et grâce à son talent et un sens inné de la répartie, tout en conservant sa liberté, dont elle définissait elle-même le périmètre".

Une liberté souvent mise à mal, estime encore Thomas Guénolé. "Il y avait une accumulation de circonstances lors desquelles Christiane Taubira, compte tenu de ses positions et des valeurs dont elle se revendique, aurait dû en toute logique démissionner. Elle ne l’avait pas fait. Ses antécédents en la matière plaidaient plutôt pour qu’elle mange son chapeau sur ce sujet comme elle l’a fait sur d’autres. À force de tirer sur la corde, elle a fini par casser. En l’occurrence, Christiane Taubira a considéré que ce serait la couleuvre de trop." Elle s'est effectivement retrouvée à plusieurs reprises en délicatesse avec l'Élysée et Matignon notamment sur la réforme pénale en août 2013, le travail dominical ou la déchéance de la nationalité.

Officiellement, Christiane Taubira ne voit pourtant ni couleuvre, ni chapeau à avaler. Elle répète à l’envi qu’elle fait de ces contradictions un combat qu’elle entend livrer au cœur même du pouvoir. "Il y a des tas de textes sur lesquels je me bats à l'intérieur [du gouvernement, ndlr] et je remporte de vraies victoires. Mais je ne vais pas m'en vanter. Le jour où je ne voudrai plus me battre à l'intérieur, je m'en irai", plaidait-elle dans les colonnes du Journal du Dimanche le 6 mai 2015.

Départ et conséquences

Maintenant qu’elle s’en est finalement allée, la donne va changer au sein du gouvernement, pronostiquent nombre d’acteurs et observateurs politique. Pour le Parti de gauche, le gouvernement va s'enfoncer "un peu plus" à droite. Pour d'autres moins enclins à s'émouvoir de ce départ, à l'instar du Front national, il s'agit d"un soulagement" et d"une bonne nouvelle pour la France". Marine Le Pen a notamment souligné "une action publique absolument désastreuse pour notre pays".

Une chose est sûre, affirme Madani Cheurfa, "son départ va accroître la mainmise de Valls sur le gouvernement". Et de poursuivre : "François Hollande ne sera plus en mesure de respecter la parité au sein de son gouvernement", une promesse de campagne pourtant chère au président.

Reste la question de son avenir politique. "Sa démission pourrait paradoxalement lui donner du poids politique auprès des électeurs de gauche, analyse Madani Cheurfa. Le fait qu’elle ne soit pas affiliée à un parti lui confère beaucoup de crédit auprès de l’opinion publique. Mais cet isolement politique est autant une force qu’une faiblesse."