Un groupe de députés français a soumis une proposition à l’Assemblée nationale visant à créer une Commission d’enquête composée de 30 membres, afin de faire toute la lumière sur les relations diplomatiques et sécuritaires entre la France et la junte au pouvoir en Guinée. Cette initiative intervient dans un contexte où les inquiétudes sur la nature de ces relations ne cessent de croître.
Dans le texte de leur proposition, les parlementaires rappellent les engagements pris par le chef de la junte, le Général Mamadi Doumbouya, lors de sa prise de pouvoir. Celui-ci avait promis que ni lui ni aucun membre de son gouvernement ne se présenterait aux prochaines élections, et avait fixé la fin de la transition au 31 décembre 2024, avec un retour à l’ordre constitutionnel. Cependant, les députés dénoncent un manquement à ces engagements, pointant un recul démocratique marqué par de faibles avancées vers une réelle transition politique. "La junte semble peu disposée à céder la place à un régime démocratique durable", peut-on lire dans l'exposé des motifs. Les violations des droits humains se multiplient, illustrées notamment par l'interdiction des manifestations en juin 2022, la fermeture de médias d’opposition en mai 2024, ou encore la suspension des agréments des ONG en septembre 2024, accusées d'entretenir des troubles à l’ordre public.
Les députés soulignent également la répression sévère des manifestations et la disparition forcée de figures de la société civile, notamment Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, disparus depuis le 9 juillet 2024. En dépit de ce climat de répression, la France a renforcé sa coopération sécuritaire avec la Guinée depuis mars 2022, une relation qualifiée de "floue et opaque" par les élus. Ils pointent du doigt la présence de fonctionnaires français au sein des institutions guinéennes, notamment Éric Legrand, détaché auprès du ministère de la Justice. Une enquête publiée par ‘’Marianne’’ en août 2024 fait également état de coopérants militaires français aux côtés des forces de sécurité guinéennes, notamment le lieutenant-colonel Christophe Lasgleyzes, conseiller du général Balla Samoura, soupçonné d'avoir orchestré l’enlèvement des deux activistes guinéens.
L'enquête affirme par ailleurs la présence de forces françaises dans le camp militaire de Soronkoni, dans l’est du pays, où elles participeraient à la formation des forces spéciales du président Doumbouya, un groupe qui s’est surtout illustré par la répression de manifestations pacifiques, plutôt que dans la lutte antiterroriste, objectif affiché initialement.
Les députés à l’origine de cette proposition estiment qu’il est urgent de faire toute la clarté sur les relations entre la France et le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), le nom officiel de la junte. Ils demandent ainsi la création d’une commission d’enquête pour éclairer l’Assemblée nationale sur la profondeur et la nature exacte du soutien apporté par la France à la junte militaire guinéenne.
Algassimou L Diallo